lundi 5 mai 2014

Jonathan, le dernier combat contre les vampires (1970)

 



Le lundi 5 2014

Film Fantastique. (Allemagne), de Hans W Geisendörfer, avec Jürgen Jung et Paul Albert Krumm. 1970.

Synopsis : Dans un petit village, un certain Jonathan est envoyé dans un lointain pays afin d'infiltrer la caste des vampire et préparer une attaque contre leurs maîtres.

A la fin des années 60, la figure du vampire, dominé essentiellement par la Hammer, tombe peu à peu dans une routine et la mythologie inventé par Brian Stoker (Dracula, Van Halsing, Jonathan, Lucy) tourne un peu à vide. On pensait tout connaître en matière de 'film de vampire' et de ses figures cauchemardesques mais personne ne se doutait vraiment à l'époque que les seventies allait totalement bouleversés ses codes les plus reconnaissables. Et c'est dans ce contexte d'évolution que déboule un pur ovni filmique totalement mais alors totalement oublié de l'histoire du cinéma fantastique, Jonathan, le dernier combat contre les vampires, un film allemand réalisé par un inconnu, Hans W Geisendörfer. En effet rare sont les cinéphiles qui la chance inestimable d'assister à cette d'opéra baroque lyrique transfiguré par une lecture singulière du fascisme. Les articles sur le film sont rare en France, le film étant cité pour la première fois (il me semble !) dans le dossier de Jean Pierre Piton consacré au 'Vampire new look' dans L'Ecran Fantastique n°98.
 
 
Pour être clair, Jonathan permet à la figure du vampire une interprétation nouvelle et moderne. Ce qui étonne de prime abord, c'est de voir comment les auteurs du film ont totalement 'trahi' et / ou 'transfiguré' les figures archétypales du roman de Brian Stoker, bref, ils sont tous présent mais impossible de les reconnaître. Jonathan n'est jamais proposé par exemple comme la victime manipulé et candide vue dans tous les Dracula. Dans Jonathan, il est le personnage principal, un héros curieux affrontant moins une figure monstreuse et damnés par la religion catholique que les événements de l'Histoire à travers une vision hyperbolique et symbolique du mal absolue. En devenant une sorte de leadeur révolutionnaire romantique, le réalisateur déplace, de fait, les enjeux typiques du fantastique de série b ici relégué un peu au second plan pour mettre en avant une approche allégorique saisissante,  et valide donc une interprétation intellectuelle du vampire au cinéma.
 
 
Même raisonnement avec la caractérisation de ce 'Dracula' new look et plus généralement de l'image du vampire traditionnel de la Hammer. Certes, on reste en 'décor' connu et les auteurs du films ont complétement joué de la tradition en terme de décorum notamment avec un travail très soigné des décors (notamment le palais des vampires) tout comme un travail raffiné sur les couleurs des costumes. Par contre le traitement des vampires sort de l'ordinaire, les vampires ne craignent pas le soleil et le folklore religieux est assez discret. Comme Jonathan, le 'maître' est présenté avant tout un chef d'une caste supérieur semant la terreur et la désolation dans la région. Les méthodes pour imposer ce traitement du chaos évoquent les purges du nazisme et les hommes en noir font aussi bien penser aux chemises noires qu'à la gestapo nazi. De même, l'allure du maître vampire ne trompe personne avec sa mêche de cheveux, le timbre de sa voix, la manière de ce tenir et de bouger, c'est bien d'Hitler dont il s'agit ici.
 
 
 
 La séquence d'ouverture du film est significative de l'originalité du film. Une main toque à une porte, elle insiste. Pas de réponse. Pendant que la femme s'empresse de chercher du 'secours', une musique pleine de cœur grave nous prend direct à la gorge. Là, trois hommes en noir menaçant accompagne la vieille dame et défoncent la porte. Par le biais d'un étonnant plan séquence d'une grâce et d'un beauté formelle assez inouï, les hommes pénètrent dans la chambre ou se trouvent un couple symbole évident de la pureté et d'innocence. Refusant de les suivre, le jeune homme se jette par la fenêtre et plus tard, dans le château, pendant un sidérant plan fixe, ce sera au tour de la jeune fille d'être massacré hors champs par la meute de chien de Dracula.


En l'espace de cinq minutes, le réalisateur pose les bases esthétiques et idéologiques du film. Esthétique tout d'abord car le film fonctionne entièrement sur la mise en place d'une construction séquentiel du récit (rarement en terme de péripéties), ce qui donne au film une ambition formelle peu commun dans le film de vampire. La séquence d'ouverture remarquable n'est le premier d'un longue série de plan séquence fixe ou en mouvement toute plus forte les unes que les autres, et à ce propos,  on n'est pas prêt d'oublier celui du village pris par la peur et la panique, un de ses mouvements d'appareils que seul des esthètes de la caméra comme Welles, Hitchock, Argento et De Palma auraient tentés. Un rapide regard sur le générique pour signaler (eh oui ! tout s'explique !) que le responsable photo n'est autre que Robby Muller, chef op de Wim Wenders mais aussi plus tard du célèbre et culte Police Fédérale Los Angeles de William Friedkin.
 
 
Alors bien sur, toute cette débauche d'énergie n'est jamais veine et gratuite. Constamment le film est d'ailleurs est baigné de ce lyrisme typiquement allemand (certain n'ont pas hésité à comparer ce film au Nosferatu de Herzog) marquant au fer rouge certain passage par une grandiloquence communicative comme ce traveling latéral où le spectateur assiste stupéfait au banquet sanglant de vampires assoiffés de sang, toute dents dehors tandis que les cadavres gisent sur le sol dans une chorégraphie de la mort dantesque. La bande son mérite d'être signalée par sa force et sa singularité; la musique syncopée de Kovac et celle grave du Letze Fruhling de Grieg communique des frissons bien savoureux. L'aspect 'opéra fantastique' du film régulièrement est par ailleurs cité par l'intermédiaire d'une sorte de cœur enfantine ou de brusque intrusion de chant lyrique dans le film.
 

Idéologique ensuite puisqu'en assimilant le vampirisme au nazisme et au fascisme, le jeune  Hans W Geisendörfer donne au mythe du vampire une force  et une signification  politique et morale d'une grande modernité anticipant mine de rien certaines thèmes énoncés dans le futur film de Pasolini, Les 120 jours de sodome.
 
 
 
Mais là, je tiens tout de suite à rassurer certains cinéphiles devant la tendance lourde et un peu hautaine que le film aurait pu prendre (et auquel n'échappe pas à mon sens le film controversé de Herzog), c'est que d'une part que le réalisateur ne nie jamais l'aspect spectaculaire et l'esprit ludique du genre et lorsqu'il s'agit de faire du fantastique, ben il le fait avec une bel entrain. Comme cette scène magnifique, milles fois vue d'ailleurs, où l'émule 'Dracula' entre par la fenêtre de la jeune fille afin de puiser toute le pureté naturelle de cette jeune femme innocente. Le réalisateur n'oublie l'aspect spectaculaire du mythe avec des emprunts aux films de cape et d'épée à l'image de l'attaque finale et l'extermination vampire donnant ainsi au film une patine de série b et un aspect hybride vraiment approprié. JMM. 5/6
 
 
 
 



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